Construction Navale Civile
Cette partie est une synthèse du rapport annuel BRS, membre de l’ATMA, et de l’exposé de François Cadiou devant le Comité Français du BV il y a deux semaines. BRS a choisi le titre « Notre monde est-il vraiment en mutation ? ».
1- Contexte
En effet l’année 2015 a été aussi mauvaise que prévue. Seul le marché des pétroliers a déjoué les prédictions malgré d’abondantes livraisons de navires neufs ; il a été porté par la chute sans précédent des prix du pétrole brut.
Un autre fait marquant est que le principe d’économie d’énergie est passé du slogan à la réalité. Le monde maritime doit trouver de nouvelles solutions pour réduire les émissions de polluants. Les bureaux d’études et les chantiers navals doivent réaliser de nouvelles prouesses pour utiliser des carburants moins polluants. Sommes-nous à la veille d’une expansion massive de la propulsion GNL ?
L’année 2015 a donné l’impression qu’un cyclone s’était abattu sur la construction navale civile après celui de 2008, en faisant plonger les commandes de transporteurs de vrac sec à des niveaux incroyablement bas. Certains pays s’en sortent mieux que d’autres, c’est le cas du Japon et de certains pays européens qui sont repartis à la hausse après de longues années de déclin. Curieusement, les commandes de pétroliers et de porte-conteneurs sont restées pour l’instant à l’abri du cyclone. Les commandes de nouveaux navires ont cependant continué de fondre en 2015, -20% environ.
2- La Chine
Bien que la Chine reste le premier constructeur naval mondial, ses chantiers ont perdu l’avantage concurrentiel en 2015 avec une perte de commandes de 45%. Beaucoup de chantiers chinois ont fermé ou vont fermer, à l’instar de ce qui s’est passé avec la crise de 2008. On peut parler pour la Chine d’une véritable contre- performance en comparaison avec le Japon (augmentation de 18% des commandes) ou la Corée du Sud (chute de seulement 18%).
3- La Corée
Le secteur de la construction navale coréenne traverse cependant une des pires crises de son histoire. Certains n’hésitent pas à faire l’analogie avec la crise qui s’est abattue sue les chantiers européens dans les années 1980. Le nombre de chantiers coréens a été divisé par trois dans la dernière décennie et il reste environ dix chantiers significatifs. Le fait nouveau est que même les trois grands (HHI,SHI et DSME) qui semblaient jusqu’ici indestructibles et avaient franchi avec une certaine sérénité la crise de 2008, subissent désormais des pertes financières énormes ; depuis plusieurs années, les commandes de navires standards ont été prises à perte pour l’essentiel et ces chantiers sont en train d’enregistrer ces pertes dans leurs comptes. Par ailleurs, suite à la crise de 2008, ces trois chantiers avaient vu leur salut dans l’industrie des plateformes offshore et les navires spécialisés, deux secteurs où la concurrence chinoise était presque absente. L’abandon de nombreux projets offshore, résultat de la chute des prix de l’énergie, a encore assombri l’avenir de ces chantiers qui se sont lancés dans un vaste plan d’économies pour réduire autant que possible la voilure.
4- Le Japon
En revanche le Japon est en pleine résurrection, il est toujours troisième constructeur mondial, mais sa part de marché est passée de 17 à 22%. Avec la chute de leur monnaie, les chantiers japonais sont maintenant compétitifs avec la Chine, plusieurs chantiers ayant leur carnet de commandes plein jusqu’en 2019-2020.
BRS estime que la situation va être encore pire pour ceux qui sont déjà en difficulté dans les années 2016 à 2018. Le niveau global de commandes en 2016 devrait se situer à un niveau très bas, 30 à 40 millions de tonnes. Les prix ont baissé en 2015 et cette tendance ne devrait pas s’inverser, vu l’effondrement des prix de l’occasion même pour des navires récents.
5- L'Europe
La construction navale européenne progresse avec un carnet de commandes qui n’a cessé de croître, il a plus que doublé en trois ans, la dégradation de la valeur de l’euro y ayant puissamment contribué.
En volume (unité de compte peu adaptée aux navires à forte valeur ajoutée comme les paquebots), les trois premiers pays sont dans l’ordre la Roumanie, la Croatie et l’Espagne. Les quatre premiers chantiers européens sont toujours en volume :
- Meyerwerft, chantier en Allemagne et en Finlande , site de Turku, ex STX Finland ;
- DMHI ( Daewoo Mangalia Heavy Industries), que Daewoo cherche à vendre pour redresser ses finances ;
- Fincantieri ;
- STX France.
Il est symptomatique de retrouver les trois grands leaders mondiaux du marché de la croisière qui ont continué à bénéficier de l’embellie continue de ce secteur. Le marché des croisiéristes est passé de 18 millions en 2009 à 24 millions en 2016 et cette croissance devrait se poursuivre.
Cette embellie déjà signalée l’année dernière s’est poursuivie en 2016, avec notamment la commande par MSC de quatre grands paquebots supplémentaires à STX France pour un montant de 4 milliards d’euros, ce qui devrait assurer l’activité de Saint-Nazaire jusqu’en 2024. Ces paquebots doivent être dotés d’une production d’énergie GNL. Il est exceptionnel d’avoir une telle visibilité en construction navale. Depuis 2003, Saint- Nazaire a déjà livré 12 navires à MSC ; ce chantier a aussi construit pour Royal Carribean le géant Harmony of the Seas dont on a vu il y a peu de temps le départ de Saint-Nazaire.
6- Les méthaniers
Un mot maintenant sur les méthaniers. Selon BRS, l’année 2015 reste une année en demi-teinte. Après un cru exceptionnel porté par l’émergence de projets nécessitant des méthaniers utilisant de nouvelles technologies (notamment le projet Yamal en Russie utilisant des méthaniers brise-glace), l’année 2015 est à considérer comme une année de transition. La baisse du prix du pétrole a une incidence directe négative sur la demande de GNL. Il n’en reste pas moins qu’il y a encore des perspectives de nouveaux programmes gaziers. La propulsion GNL offre de nouveaux challenges à nos acteurs du GNL et en particulier GTT.
7- Le Bureau Veritas
Un mot enfin sur le Bureau Veritas. J’ai parcouru les discours similaires des trente dernières années et je n’ai trouvé nulle trace d’allusion aux activités de ce membre éminent de l’ATMA tant par sa participation aux instances dirigeantes, une occasion de plus de saluer la mémoire de Bernard Parizot, que par le nombre et la qualité des communications techniques présentées à nos sessions depuis des lustres. Le BV a tenu il y a quelques jours la réunion de son comité français où ses activités marine et offshore ont été présentées en détail. L’année 2015 a été dans ces secteurs en tous points une excellente année pour le BV sur le plan de l’activité, des résultats et des investissements de progrès. J’ai noté l’acquisition d’Hydrocean, société que je n’hésite pas à qualifier de bassin de carènes numérique et virtuose des équations d’Euler. Je ne doute pas que ceci sera un puissant facteur d’expansion pour ces techniques numériques d’hydrodynamique navale.