L’industrie de l'énergie
Pétrole
2021 a vu la poursuite du transfert des investissements pétroliers vers le secteur des énergies renouvelables de la part des grandes sociétés énergétiques. En juin 2021, la projection du prix du pétrole établie par Rystad Energy était de $50 à $55/baril entre 2022 et 2025, donc peu encline au lancement de nombreux projets.
Les projets pétroliers et renouvelables sont maintenant évalués ensemble, et leur financement est fonction de la rentabilité des ExaJoules futurs, unité choisie pour comparer des barils et des KWh.
Dans le domaine pétrolier, peu d’installations nouvelles (greenfield) ont été mises en route en 2021. La zone la plus active reste le Brésil.
Peu de décision d’investissement ont eu lieu en 2021 (voir tableau page suivante) ; on peut noter le champ de Whale aux USA par Shell, une nouvelle phase de Buzios au Brésil par Petrobras avec des FPSOs.
Les développements « greenfield » en cours (mais qui n’ont pas été mis en production en 2021) comprennent entre autres, le champ de Grand Tortue au Sénégal par BP (schéma ci-dessous), de Coral au Mozambique par ENI avec un FLNG installé début 2022. DORIS a réalisé le FEED d’une plateforme de compression au Myanmar pour Posco Daewoo avec HHI.
On peut noter l’abandon par TotalEnergies du grand champ profond de North Platte dans le Golfe du Mexique américain, vendu à Equinor. Le golfe a vu une grande activité au Mexique mais qui est handicapée par la position ambigüe du gouvernement mexicain vis-à-vis des investisseurs étrangers.
En terme d’exploration pétrolière offshore pour de nouveaux réservoirs, les pays en vue sont le Guyana (ex Guyane anglaise), le Suriname (ex Guyane hollandaise), le Brésil, l’Angola. Notons le record du monde battu par TotalEnergies pour un forage en Angola par 3628m de profondeur d’eau dans le bloc 48 avec le rig Maersk Voyager (photo ci-dessous).
La plupart des investissements pétroliers se sont concentrés sur les raccordements de nouveaux puits à des installations existantes ou sur l’amélioration d’installations en production (brownfield). La zone la plus active pour ces investissements est le Moyen Orient.
De nombreux investissements sont également orientés vers la réduction des gaz à effet de serre dans la production, tout au moins de la part des grands pétroliers internationaux.
La pandémie a déséquilibré les chaînes d’approvisionnement mondiales, augmentant les coûts du transport maritime, des matières premières et des produits manufacturés. Dans ce contexte d’incertitude, les décisions finales d’investissements ont été retardées, faute de pouvoir fixer un coût et un délai crédibles aux projets.
Nul doute que cette situation s’est fortement aggravée début 2022 avec la guerre en Ukraine qui rajoute une grande incertitude et n’incite pas les grands énergéticiens à investir.
D’autant plus que les pressions médiatiques, étatiques, sociétales incitent les banques et institutions financières à plutôt investir dans le domaine des énergies renouvelables et à ne pas apporter leur appui aux développements pétroliers. Cela crée un non-renouvellement des réserves et amène celles-ci à se déprécier d’environ 7% par an. Par ce processus continu, l’équilibre entre l’offre et la demande est rompu.
L’offre décroitra et la demande restera importante tant que le remplacement des hydrocarbures par des énergies décarbonées ne sera pas terminé. Le prix du pétrole ne peut que croître avec un paradoxe qui est que les compagnies pétrolières ne pourront pas investir pour développer leurs champs avec un prix élevé du brut.
Passons de la géopolitique et de ses conséquences à la technique.
L’industrie offshore est devenue mature et pour les rares développements de champs pétroliers en cours les constructions et équipements sont au point. Rappelons ci-dessous les équipements de forage/production utilisés en mer :
- Profondeur d’eau jusqu’à 200-300m : supports, jackets métalliques et plateformes gravitaires en béton avec les installations de forage production installées sur le pont ;
- Profondeurs intermédiaires de 300-1200m : plateformes flexibles en acier avec également les installations de forage production installées sur le pont ;
- Grandes profondeurs : > 1500m :
- Têtes de puits sous-marines incluant canalisations sur le fond et manifolds ;
- Navire de surface (FPSO) ancré qui traite l’effluent, le stocke et le transfère sur un tanker enleveur ;
- La liaison fond-surface est assurée par des canalisations spécialement conçues pour cet objet ;
- Plus grandes profondeurs : de nouveaux moyens de forage ont été conçus : navires ou plateformes semi-submersibles à positionnement dynamique équipés d’appareils de forage plus automatisés et plus puissants avec également un système de centrage de riser dans le puits de la plateforme ou du bateau ; sur le plan production, tout reste à inventer. Plus grandes profondeurs: de nouveaux moyens de forage ont été conçus : navires ou plateformes semi-submersibles à positionnement dynamique équipés d’appareils de forage plus automatisés et plus puissants avec également un système de centrage de riser dans le puits de la plateforme ou du bateau ; sur le plan production, tout reste à inventer. (photo GTA ci-dessous), de Coral au Mozambique par ENI avec un FLNG installé début 2022. DORIS a réalisé le FEED d’une plateforme de compression au Myanmar pour Posco Daewoo avec HHI.
Gaz naturel liquéfié
Un seul hydrocarbure ne subit pas cet avatar : le gaz. Il est considéré comme moins polluant et est utilisé pour produire l’électricité pour les usages courants et également pour compenser les intermittences des énergies éoliennes et solaires. La guerre en Ukraine tarit les approvisionnements en gaz par les gazoducs existants. Le gaz naturel liquéfié a donc pris la relève et des centaines de méthaniers approvisionnent l’Europe à partir de plusieurs coins de la planète. Le méthanier est devenu un engin clé dans l’époque actuelle.
En 2021, les livraisons de gaz naturel (gazoducs et LNG) ont augmenté de 7 % à 1040 milliards de m3 , cette augmentation étant due à la forte demande en Europe, essentiellement alimentée par gazoducs. Les livraisons de LNG ont pour leur part augmenté de 5 % à 492 m3 , essentiellement due à la demande chinoise, coréenne et brésilienne. Parmi les fournisseurs de LNG, l’Australie a confirmé sa place de premier producteur mondial, les Etats-Unis s’apprêtant à rejoindre et dépasser le Qatar à la seconde place. La capacité opérationnelle d’approvisionnement en GNL n’a toutefois pas suivi la demande en 2021, créant une tension sans précédent sur l’équilibre mondial du marché gazier.
Les prix spot européens et asiatiques ont poursuivi leur folle envolée au dernier trimestre 2021 et ont explosé pour atteindre de nouveaux sommets historiques en décembre. En 2021, le prix TTF a quintuplé pour atteindre un niveau record tandis que le prix spot asiatique a plus que quadruplé. L’hyper-volatilité des prix du gaz prévaut désormais sur les marchés. Le prix du gaz européen a explosé en décembre pour atteindre un nouveau record de 37$/MBtu (115€/MWh) en moyenne mensuelle (à comparer avec une moyenne mensuelle de 18€/MWh sur les cinq dernières années). Un niveau record journalier de 60$/MBtu a même été franchi le 21 décembre. Ces fluctuations extrêmes des prix montrent à quel point l’équilibre gazier mondial était tendu en 2021. En Europe, la flambée des prix a été principalement due aux incertitudes sur les livraisons de gaz russe (retard de Nord Stream 2) et à l’état actuel des niveaux des stocks européens, au plus bas sur cette période depuis 2011.
Evolution du prix spot journalier du gaz ($/MBtu)
Energies marines renouvelables
Houlomoteur, hydrolien et marémoteur
Les opérateurs des énergies marines ont installé dans le monde beaucoup plus de capacité en 2021 qu’en 2020, avec 3,12 MW contre 1,39 MW.
Alors que l’Europe domine toujours l’activité marémotrice mondiale, de plus en plus de capacité houlomotrice est installée en dehors de l’Europe, souvent grâce à un soutien gouvernemental important.
Eolien offshore
À fin 2020, cette technologie représentait 12 GW de capacité installée en Europe (hors Royaume-Uni) et la Commission Européenne ambitionne 40 GW de puissance installée en 2050.
Début 2022, la France ne comptait aucun parc éolien en mer en fonctionnement mais 4 projets éoliens en mer posés sont en cours de construction et 3 autres sont en phase de développement. D’ici 2028, ce sont donc 7 projets d’éolien en mer posé, pour une puissance cumulée d’environ 3,6 GW qui seront mis en service. Sont également en cours de développement 4 fermes pilotes d’éolien flottant représentant une capacité installée d’environ 120 MW ainsi que 4 fermes pilotes pour l’hydrolien (2 dans le Raz-Blanchard, Ouessant, Golfe du Morbihan). L’actuelle Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) prévoit une capacité installée avoisinant les 5 à 6 GW en service à horizon 2028 pour l’éolien en mer.
Au cours des dernières années, le coût de l’éolien en mer posé a fortement diminué, capitalisant sur le retour d’expérience de la phase d’apprentissage initiale et profitant des effets positifs d’un déploiement industriel mondial. En 2019, le dernier appel d’offres pour un projet éolien en mer au large de la France (le projet éolien en mer de Dunkerque) fut attribué à un prix de 44 €/ MWh (hors raccordement). Cette tendance de baisse des coûts devrait se poursuivre dans les prochaines années (pour l’éolien en mer posé comme pour le flottant), grâce notamment aux innovations technologiques et au changement d’échelle dans les volumes de projets attribués.
La filière industrielle française des EMR (GE Renewable Energy, production de nacelles et de pales, Chantiers de l’Atlantique, production de sous-stations électriques,) Dillinger, production de tôles fortes, RollixDefontaine, production de couronnes d’orientation, Bourbon offshoer, installation d’éoliennes flottantes) s’est initialement constituée à l’export (67 % du chiffre d’affaires en 2016). Avec la construction des premiers parcs éoliens en mer français et de leur raccordement, le chiffre d’affaires des entreprises a connu une forte croissance, atteignant 806 M€ en 2020, don’t 71% du chiffre d’affaires réalisés grâce aux projets nationaux. Depuis 2016, 505 M€ ont été investis en France par ces acteurs industriels afin de développer leur outil de production auxquels on peut ajouter 305 M€ investis par les gestionnaires de port (à Nantes-Saint-Nazaire, Brest, Cherbourg et Port-La Nouvelle) entre 2016 et 2020 dans le cadre de l’adaptation de leur outil.